Giordano Bruno, un génie martyr de l’Inquisition

Jacques Arnould, théologien, docteur en histoire des sciences, chargé de mission au CNES sur la dimension éthique, sociale et culturelle des activités spatiales.

Il fait partie de ce ces hommes dont le parcours fut si atypique qu’il brilla comme une comète dans la nuit. Pour notre plus grand bonheur, Jacques Arnould nous livre une formidable biographie de Giordano Bruno (1548-1600) et le lecteur pourra découvrir l’extraordinaire histoire de cet homme qui vécut il y a quatre siècles, mourut sur un bûcher de l’Inquisition, et pourtant influença toute la philosophie européenne.
Avec une maitrise de toutes les disciplines de son temps, des mathématiques à la métaphysique, ce moine a ouvert la voie à la libre pensée, considérant que si Dieu est infiniment puissant, l’univers l’est aussi, postulant tous les possibles plutôt que de s’enfermer dans le cadre dogmatique de la religion telle qu’elle était établie à son époque. Défenseur de Copernic, il quitte son couvent de Naples et n’a jamais voulu revenir dans l’Ordre, choisissant de suivre sa conscience et sa foi, courageux libre penseur. Le bucher sera son ultime lumière.
L’auteur le confie dans le préambule : Jacques Arnould étant lui-même un dominicain défroqué, il éprouve une certaine complicité avec le philosophe italien. « Rompre nos vœux nous a conduits l’un à être condamné au bûcher, l’autre à être « renvoyé de l’état clérical ».
On perçoit l’humilité de l’auteur autant que la force de son esprit de recherche, propre aux savants. Il avoue la difficulté d’appréhender « la formidable culture, l’insatiable curiosité intellectuelle et l’exceptionnelle mémoire du philosophe errant. »
Si l’érudition et les sources historiques de l’auteur permettent d’approcher le philosophe, le lecteur accède à l’histoire vécue de Bruno dans une forme d’intimité. Croyant et libre, à l’écoute de ses doutes et de ses questions, porté autant par sa foi autant que par ses fulgurantes découvertes ou prises de conscience. « Une lumière divine brille au fond de notre âme pour inspirer et conduire toutes nos pensées. Voici l’autorité véritable. »
Avec une généreuse volonté d’aider le lecteur à se forger son opinion, Jacques Arnould nous guide et pose sur le chemin les lanternes : Lucrèce, Spinoza, Nietzche…
« Au XVIème siècle, l’infini a encore mauvaise presse, surtout auprès des théologiens et des censeurs, inquisiteurs et autres gardiens de la tradition chrétienne. Car l’infini a pour principal défaut d’être associé aux idées d’un temps éternel et d’un univers non créé… »
Critiqué par les notables et les détenteurs du pouvoir religieux, qualifié de dément, Bruno continua jusqu’au bout de chercher à transmettre sa conviction que la fraternité et la liberté sont unies dans la conscience. « S’il y a de la folie en toi, frère Giordano, je ne voudrais y déceler, y diagnostiquer que celle d’un François d’Assise… ».
Au fil des pages, ce moine de l’ancienne époque de la Renaissance va nous apparaître comme un citoyen du monde, de par sa conscience élargie au plus haut point, mais aussi par son expérience de l’Europe, de Rome à Genève, Toulouse, Paris, Londres, Francfort, Prague…

Frère Giordano, homme de foi et à lui tout seul homme de dialogue interreligieux, véritable source d’inspiration en notre époque post moderne.
Dans « De l’infini, de l’univers et des mondes », il défend l’existence d’une double vérité, l’une philosophique et l’autre théologique. Il n’hésite pas à explorer les sources profondes de sa croyance et à le dire, en dépit des oppositions qu’il soulève. Ainsi l’âme de l’homme « est semblable par son essence spécifique et générique à celle des mouches, des huitres marines, des plantes et de tout ce qui est animé ou a une âme ».
Ce livre permet de prendre de la hauteur autant que de la profondeur. Porté par un souffle empli d’une généreuse vitalité, c’est une ode à l’intelligence, la vraie, celle de l’esprit et celle du cœur. On en ressort transformé, agrandi, et c’est bien la preuve que Giordano Bruno et son humble serviteur écrivain Jacques Arnould ont visé juste.