L’espèce humaine ressemble furieusement à un véhicule en pleine accélération, conduit par d’innombrables pilotes vers un avenir incertain.

Tout a commencé dans les années 1960, quand le commerce mondial s’est mis à croître beaucoup plus rapidement que la richesse (le PNB) mondiale. Le progrès et le rythme effréné des moyens de transport, le renouvellement accéléré des produits et enfin la globalisation de l’information ont intensifié le mouvement. Aujourd’hui les échanges internationaux représentent plus du tiers du PNB mondial et nous travaillons tous deux jours sur trois pour l’exportation. Les délocalisations d’usines puis des laboratoires de recherches, afin de permettre l’adaptation des produits aux marchés locaux, ont eu pour conséquence les transferts de capitaux vers de nouvelles zones économiques.

Ainsi est née la mondialisation dont on nous rebat les oreilles. La libéralisation des marchés ainsi que la financiarisation de la sphère économique ont fait le reste, et nous vivons désormais dans un monde de marchands produisant massivement du confort matériel, des services et des images. Le contexte est celui d’un combat économique qui a transformé la planète en champ de bataille, sans morale ni spiritualité. Si sur le plan matériel, le libéralisme des temps modernes a apporté la satisfaction des besoins vitaux à des centaines de millions d’individus, il a creusé l’écart entre une société de consommation qui déborde de biens matériels et d’images pour les uns sans procurer un minimum vital décent pour les autres.

Il s’agit dorénavant d’envisager un libéralisme éclairé prenant en considération la notion de solidarité au sein de l’espèce humaine. Sans oublier la justice, l’un des tous premiers mots inventés par l’homo sapiens sapiens. Les États responsables de la préparation de l’avenir sont devenus des États du palliatif, dispensateurs de protection et de consolation.

Côté régulation les organismes sont trop dispersés : l’ONU, l’OTAN et les États-Unis pour la gendarmerie du monde, la Banque Mondiale, le FMI, le G2, le G8, le G20 pour l’économie. Tous datent d’années récentes à l’exception de l’OMC, d’ailleurs imaginée dans les accords de Bretton Woods. Il apparaît évident que le monde ne pourra faire l’économie d’une organisation confédérale, débouchant sur un minimum de fédéralisme, lui permettant de mettre de l’ordre dans ce que j’appelle, pour ma part depuis près de quarante ans, la guerre économique. Des milliers d’organisations émanant de la société civile (dont 2 000 ONG) ont vu le jour : leur mérite est de vouloir rendre équitable le processus de mondialisation. Un Conseil de sécurité économique et social a été imaginé dont les pouvoirs s’inspireraient de ceux qu’exerce le Conseil de sécurité de l’ONU sur le plan politique.

Ce bouillonnement de la société civile, débouchant sur d’innombrables forums mondiaux qu’aucune frontière ne peut bloquer, montre à l’évidence que le monde devra passer à un degré supérieur d’organisation.

Restera le problème le plus important. La planète a pris la route des choses oubliant celle de l’esprit.Il ne sert à rien de danser la danse du scalp devant le libéralisme. Il faut simplement le doter d’un code moral qui le rende acceptable (supportable ?) à la majorité.

Qui, définitivement, supprime le travail des enfants, établisse véritablement la parité entre hommes et femmes, supprime les enrichissements insolents et sans cause, crée une véritable solidarité avec les éclopés de la croissance. Qui recrée un peu de vertu et de grâce dans le système en déclinant l’immense désir de justice et de dignité de l’homme du XXIè siècle. Comment ? Le besoin de spiritualité – dont témoignent, hélas, les excès des sectes – démontre que les principales religions monothéistes ne peuvent être tenues à l’écart d’un tel processus, y compris le bouddhisme, la sagesse des hindouistes, la religion des droits de l’homme, dont les très beaux textes fondateurs figurent dans le statut des Nations unies et dans notre Constitution. Il y a dans ces réservoirs de connaissance et d’éthique de quoi puiser quelques principes.
Une sagesse peut s’en dégager, libre d’ailleurs de toute tutelle religieuse car résultant de la pluralité religieuse, surtout si l’on fait appel à quelques Prix Nobel de la paix, responsables d’ONG, grands scientifiques et philosophes connus pour leurs qualités humaines (des « entrepreneurs d’humanité »).
Un code éthique élaboré par un tel cénacle consoliderait de jeunes démocraties un peu partout dans le monde, freinerait l’absentéisme du cœur qui accompagne souvent la concurrence sans frein. Plus trivialement, il pourrait conduire de nombreux cadres supérieurs, acteurs du CAC 40, à renoncer à des avantages souvent exorbitants. Ce sont des notions de solidarité, de générosité, d’altruisme qui font de l’homme une espèce supérieure. Il est urgent de modérer la passion de la concurrence avec un peu de cet amour du prochain.

 

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