Le récent vote de l’UNESCO excluant toute référence juive de la terminologie des sites sacrés de la Vieille Ville de Jérusalem a provoqué en France de nombreuses réactions de la part de responsables religieux, tant juifs que chrétiens. Nous en donnons ci-après quelques-unes.  Pour sa part  la Fraternité d’Abraham a, sous la signature de son président  Edmond  Lisle,  consacré sur notre site une partie de l’éditorial d’Hiver 2016 à ce vote. Ce vote,  sous couvert de protection du patrimoine culturel palestinien, nie le lien millénaire qui unit en un seul lieu saint, nos trois confessions monothéistes.

banniere-roberts-4Faut-il rappeler à nos lecteurs qu’en ouvrant  notre site apparait une gravure du Mont du Temple, des Mosquées, et d’un panorama où l’on devine des clochers d’églises.  Puisse Jérusalem être, en un seul Dieu, le signe sacré de l’unité de l’Humanité et non le ferment de ses divisions !

Nous publions ici la déclaration du Grand Rabbin de France Haïm Korsia ainsi que les lettres adressées à la Directrice Générale de l’Unesco, par Mgr Vincent Jordy, Président du Conseil pour L’Unité des Chrétiens et des Relations avec le Judaïsme, et par le Pasteur  François Clavairoly, Président de la Fédération Protestante  de France.

Fédération protestante de France

A la lecture de la résolution du 13 octobre 2016 de l’UNESCO, la Fédération protestante de
France veut exprimer son étonnement et son incompréhension devant l’absence de référence
au lien entre la ville de Jérusalem et le peuple juif.

Cette absence de référence étonne car elle méconnait l’histoire et efface la mémoire de
plusieurs siècles, qui concernent en ce lieu le peuple d’Israël et le judaïsme comme aussi
d’ailleurs le christianisme, lui-même lié inconditionnellement à cette histoire et à ce lieu.
Elle est incompréhensible enfin, dans la mesure où elle ne rend plus compte de la réalité d’une
situation complexe qui mérite précisément un discernement vigilant dans la perspective de la
paix et de la justice.

La Fédération protestante de France a toujours porté son attention à ce que soit réservé en
toute circonstance un traitement équilibré d’un tel sujet et des deux communautés de
croyants. Elle regrette que l’UNESCO n’ait pas choisi cette voie.

Présidence du Conseil pour L’Unité des Chrétiens et des Relations avec le Judaïsme

la Conférence des Evêques de France a pris connaissance de la résolution de l’Unesco du 13 octobre dernier conoernant laville de Jérusalem. Cette résolution pose un certain nombre de questions.

En effet la foi chrétienne s’enracine dans une histoire, dans un peuple et dans des lieux. En ce sens, L’Église catholique a toujours gardé comme un trésor précieux l’ensemble du texte biblique et elle manifeste son attachement à la Terre Sainte, particulièrement à la ville de Jérusalem.

Or la résolution de l’Unesco du 13 octobre dernier semble ignorer le lien du peuple juif et en conséquence, de la tradition chrétienne, avec Jérusalem. La reconnaissance explicite de l’histoire de chaque communauté de croyants,
le respect de cette histoire, est non seulement une question de justice mais aussi une condition de la paix. Nous souhaitons vivement que l’UNESCO soit attentive à ce point.

Nous vous prions de recevoir, Madame la Directrice Générale, l’assurance de nos salutations respectueuses.

Grand Rabbin de France

On ne peut être que profondément choqué par … la résolution adoptée par le Conseil exécutif de l’Unesco le 16 avril dernier (NDLR et confirmée par un second vote d’octobre dernier) …

Il ne s’agit pas pour moi – ce n’est ni mon rôle ni mon ambition – d’évoquer les conflits politiques et territoriaux qui occupent et déchirent les États du Proche-Orient. Mais le responsable religieux français que je suis, ne peut demeurer silencieux devant une telle atteinte à la foi de nombre de fidèles, qui ont accompagné la destinée du Temple de Jérusalem, de Salomon le bâtisseur à Jésus chassant les marchands ; je ne peux rester indifférent devant une telle offense à l’Histoire et à l’honneur.

Que l’Unesco, dont la mission est de promouvoir la paix, la sécurité et les libertés fondamentales en « resserrant par l’éducation, la science et la culture, la collaboration entre les nations » s’inscrive dans une dénégation aberrante, en adoptant une résolution qui laisse entendre que les juifs n’auraient aucun droit de regard sur le Mur occidental (appelé dans la résolution de l’Unesco place albraque), voire qu’ils n’auraient pas construit le Temple de Jérusalem, ne manque pas de laisser pantois les honnêtes observateurs.

Il y a là injure à ce que nous rapportent les textes sacrés, la Bible et ses 867 mentions de Jérusalem, comme les Évangiles, mais aussi à l’Histoire. D’innombrables voyageurs aussi érudits que Pierre Loti, qui n’était pourtant pas un parangon de philo-sémitisme, ou Chateaubriand, pour ne citer qu’eux, témoignent, s’il en était besoin, de l’enracinement ancestral du judaïsme dans ces lieux : « C’est vendredi soir, le moment traditionnel où, chaque semaine, les juifs vont pleurer en un lieu spécial concédé par les Turcs, sur les ruines de ce Temple de Salomon… » (Chateaubriand, 1811). En citant ces écrivains, je ne fais que me référer modestement aux Témoignages sur Israël dans la littérature française, ouvrage publié en 1938 par le grand rabbin Jacob Kaplan, qui a su souligner le rôle exceptionnel de passeurs de mémoire qu’ont joué les auteurs français dans l’histoire du peuple juif.

Certes, on ne devrait être que moyennement surpris par la position de l’Unesco, quand on sait que le tombeau des Patriarches et la tombe de Rachel ont été récemment classés par la même organisation comme des lieux de culte exclusivement musulmans.

Mais dénier aux juifs, ainsi qu’aux chrétiens qui se sont appuyés sur la construction du Temple pour élever les cathédrales, aux francs-maçons qui en ont fait le symbole de leur humanisme, et enfin aux non-croyants, l’appartenance à ces lieux historiques et inspirés est faire insulte à la mémoire et à l’intelligence collectives de l’humanité. C’est d’ailleurs aussi faire insulte à l’islam, car cette foi s’enracine dans celles qui l’ont précédée. Or, s’il n’y a pas de Temple, pourquoi ce lieu particulier pour une mosquée ? Il se trouve que si, en France, nos synagogues, nos églises, nos temples et nos mosquées sont tournés vers l’Orient, c’est que ces lieux suivent l’appel de Jérusalem, celui du Temple.

Une telle attitude est sans aucun doute préoccupante pour l’avenir de l’Unesco, malgré tout le respect qu’on peut avoir pour les objectifs poursuivis par ses fondateurs et l’estime portée à sa directrice générale. Que la France ajoute son paraphe à ceux des pays qui approuvent cette position est proprement révoltant pour le patriote que je suis. Le principe de laïcité, inscrit dans notre Constitution, aurait dû interdire de prendre aussi ouvertement parti pour des tenants extrémistes, aveuglés par des considérations bien éloignées de la miséricorde divine.

La France, l’une des nations qui a le plus largement contribué à la clairvoyance et à la mesure de notre civilisation, ne peut pas ne pas être offusquée par le déni de réalité que constitue la résolution votée. Elle ne peut pas ne pas voir, dans la répétition, l’insistance, la litanie maladive des termes « Israël, puissance occupante » tout au long du texte, le révélateur des vrais mobiles de ses auteurs. Elle aurait dû, sans conteste, retenir sa plume. Aussi est-il de ma responsabilité de dénoncer cette avanie comme un écho au prophète Isaïe (LXII, 1) : « Pour Jérusalem, je ne me tairai point. »

Le ministre des Affaires étrangères m’a assuré de la constance de la position de notre pays et de l’évidence de la connaissance que possèdent nos représentants et nos diplomates des faits historiques incontestables. Jean-Marc Ayrault, dont j’ai pu mesurer la solidité des convictions, devra le réaffirmer de façon forte et claire lors de son prochain voyage en Israël, mi-mai. Nous avons fait part de notre souhait et réitérons notre demande que cette position soit également clairement réaffirmée par notre pays, notamment lors de la 40e session du Comité du patrimoine mondial qui se tiendra à Istanbul du 10 au 20 juillet prochain. En restant vigilants, nous souhaitons aussi aider l’Unesco à retrouver le sens premier et profond de la charte qui la fonde et de l’espoir qu’elle porte pour tous.

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