Les terrasses d’oliviers qui nous entourent et la luminosité du ciel donnent à cette terre un caractère magique. Et puis quand le visiteur découvre les ruelles tortueuses de Bqarzla, il est saisi par la bienveillance et le calme des commerçants, la précision du geste de tous ceux qui s’empressent autour du pressoir d’huile d’olive et les cris joyeux des enfants.
N’allez pas croire cependant que le monde tourne là comme il y a mille ans ! Signes des temps modernes, la violence se manifeste passivement par l’abondance des ordures et des déchets qui jonchent les fossés et même les champs, l’innombrable quantité de chantiers de construction abandonnés et, malgré la présence dissuasive de gendarmes couchés, la conduite agressive de chauffeurs de voitures de toutes cylindrées.
Et puis, descendant dans la plaine d’Halba, c’est la découverte saisissante des camps de familles réfugiées syriennes. Leur taille varie pour accueillir dix à quarante familles. Tout est là pour la survie : l’eau, le réseau d’assainissement, des baraquements à l’entrée desquels on se déchausse, un réseau électrique improvisé, des poêles pour incinérer les ordures, une salle de classe joliment décorée et équipée de tables lilliputiennes, un espace protégé pour jeux d’enfants, un espace de prière respectueusement couvert de tapis. Quelques fleurs, quelques arbustes, même des bouquets de basilic pour ennoblir les lieux.
Tout est propre, l’intérieur des pièces soigneusement rangé, les circulations balayées, les coins réservés à la cuisine et à la lessive récurés à grande eau. C’est le résultat de tâches répétées à l’infini par les femmes omniprésentes, laborieuses, discrètes, souriantes. Les enfants trouvent à s’amuser avec des jouets dérisoires.
L’accueil autour du café délie les langues sur la précarité de l’avenir face à tous les obstacles à surmonter : offrir du travail aux hommes dans des conditions décentes, accéder aux soins médicaux, orienter les jeunes à l’issue de l’enseignement primaire, entretenir des relations constructives avec les autorités libanaises, coexister avec toutes les communautés présentes, faire percevoir la réalité de la situation sur le terrain par les nombreux « sponsors » privés et publics …
L’inquiétude et la peur sont tellement infiltrées dans les consciences à partir des nouvelles, voire des rumeurs qui circulent de toutes parts que chacun domine l’immaîtrisable par l’humour, la joie de vivre ici et maintenant, l’immense tendresse portée aux enfants !
Roland Burrus
Décembre 2015